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TRANSITION ÉNERGÉTIQUE : Le seconde souffle du photovoltaïque

L’autorisation d’autoconsommation et l’émergence d’un contexte de tarification plus forte du carbone émis, avec la perspective d’une nouvelle réglementation thermique largement inspirée du label e+c-, accroissent la compétitivité des solutions de production électricité solaire, la parité économique étant aujourd’hui atteinte ou en passe de l’être.

Selon les chiffres du ministère, 875 MW ont été raccordés en France (Hexagone et DOM) au réseau en 2017, soit une augmentation d’environ 49 % en regard des chiffres de 2016 (587 MW), le niveau cumulé se situant autour des 8 GW. Des résultats qui attestent la reprise du secteur photovoltaïque. Un redémarrage de bon augure puisque la loi de transition énergétique impose l’objectif de 10,2 GW en 2018 (entre 18 et 20 GW en 2023). Dans la pratique, le marché devrait connaître une accélération, « car le volume des appels d’offres a presque doublé en 2017, et que de nombreux projets sont en attente de raccordement », explique Céline Mehl, ingénieur R&D photovoltaïque à l’Ademe. La raison de ce déphasage ? Le décalage opérationnel d’environ deux ans qui existe entre la dépose du dossier et la mise en service de l’installation…

Sunpartner Technologie

L’ÉMERGENCE DE NOUVELLES SOLUTIONS

Il est assez difficile de ventiler ces chiffres en fonction des divers systèmes de production (centrales au sol, en toiture, ombrières, serres…) et donc de connaître la part exacte que représente le bâtiment dans ces résultats. Quoi qu’il en soit, l’arrêté de mai 2017 signe quasiment le glas de l’hégémonie des installations intégrées au bâtiment, avec la baisse progressive des primes allouées, celles-ci atteignant le niveau zéro en septembre 2018. La France, qui était très motrice sur le sujet afin de créer une filière de produits de construction spécifiques, a donc finalement fait marche arrière. Cette décision a été motivée par la volonté de briser la bulle spéculative liée aux anciens tarifs IAB (Intégré Au Bâtiment), mais également par de mauvais retours d’expérience dus, souvent, à des produits peu fiables ou mis en oeuvre de manière totalement inadaptée, notamment sur des bâtiments agricoles dont les conditions d’exploitation sont sévères. L’ensemble de ces considérations a conduit, au final, à décrédibiliser le photovoltaïque intégré au bâti, y compris les bons produits. C’est d’ailleurs pourquoi ces solutions doivent, aujourd’hui, montrer patte blanche auprès des compagnies d’assurances, les assureurs ayant mis sous observation l’ensemble des familles de produits de ce type sous Avis Technique. « Les industriels doivent en effet désormais faire valider leur procédé auprès de la C2P (1), gérée par l’AQC(2) », commente Céline Mehl. Ces deux signaux, qui désavouent quelque peu l’IAB, vont néanmoins, dans le même temps, à l’encontre des orientations de la Commission européenne qui, en parallèle, a défini, via le Set Plan(3), cette orientation technologique comme l’une de ses priorités.

1) Commission Prévention Produits.
(2) Agence Qualité Construction.
(3) www.horizon2020.gouv.fr/72744/le-set-plan.html.

L’ÉMERGENCE DE NOUVEAUX PRODUITS

Nous sommes en fait dans une situation où le photovoltaïque doit se développer de façon importante pour nous permettre d’atteindre les objectifs de la loi TE », poursuit Céline Mehl, « mais l’intégré bâti ne devrait pas disparaître car il représente, aujourd’hui, des solutions technologiques à très forte valeur ajoutée.» Et une source de différenciation majeure pour des entreprises françaises, notamment sur des applications en façade ou en verrière. À l’instar des produits
que proposent des start-up hexagonales comme Crosslux ou Sunpartner Technologies. « Nos produits ne viennent pas en concurrence des panneaux photovoltaïques standard en toiture, qui sont suffisamment performants pour subvenir aux besoins du bâtiment », explique Éric Westerhoff, le Responsable marketing Europe de Sunpartner. Ils s’adressent principalement au marché du tertiaire et du résidentiel collectif, typiquement pour des constructions au-delà de R+3, lorsque la surface de toiture ne suffit plus à obtenir le niveau énergétique
recherché. « Il s’agit d’éléments constructifs, et non rapportés, qui participent à l’enveloppe, et qui, de plus, assurent une fonction esthétique », poursuit Éric Westerhoff. Mais la reprise du marché photovoltaïque n’est pas liée uniquement, loin s’en faut, à l’émergence de nouvelles solutions innovantes ! « Elle résulte avant tout de l’intérêt économique et des ouvertures réglementaires qui favorisent désormais l’autoconsommation », souligne Jean Damian, Président du GMPV (Groupement des Métiers du Photovoltaïque).

ÉRIC WESTERHOFF

« Nos produits ne viennent pas en concurrence des panneaux photovoltaïques standard, il s’agit d’éléments constructifs, et non rapportés, qui participent à l’enveloppe.” ÉRIC WESTERHOFF, Responsable marketing Europe de Sunpartner.

 

ANDRÉ JOFFRE

« Les gains de productivité laissent augurer des prix divisés par deux au cours des cinq prochaines années, alors que, parallèlement, les rendements devraient doubler d’ici 20 à 30 ans.” ANDRÉ JOFFRE, P-dg du bureau d’études Tecsol.

 

 

 

LE BOOM DE L’AUTOCONSOMMATION

Les raisons ? « La combinaison entre la baisse continue du prix des panneaux solaires et l’augmentation constante des rendements », explique André Joffre, le P-dg du bureau d’études Tecsol. Le prix des modules photovoltaïques a en effet été divisé par huit au cours des dix dernières années, tandis que les rendements se situent aujourd’hui entre 22 et 23 % pour les meilleurs produits. « Une tendance lourde qui devrait se poursuivre », ajoute André Joffre, « les gains de productivité laissant augurer des prix divisés par deux au cours des cinq prochaines années, alors que, parallèlement, les rendements devraient doubler d’ici 20 à 30 ans ! » L’autoconsommation va donc devenir de plus en plus attractive, avec un prix du kWh largement compétitif en regard du coût d’installation et de l’augmentation (3 à 5 % par an) du tarif réseau. « Le taux de retour sur investissement se situe, d’ores et déjà, autour d’une dizaine d’années pour une grosse centrale tertiaire avec, en fonction des zones géographiques, une parité déjà quasi atteinte », complète Jean Damian. « Il faudra également compter avec une autre tendance lourde, à savoir la chute des prix des batteries, un élément décisif qui va résoudre définitivement l’équation des problèmes d’intermittence », conclut André Joffre.

 

 

AVIS DE L’ÉCONOMISTE

Pascal Dacharry

«L’autorisation d’autoconsommation est à l’origine du nouvel essor du photovoltaïque, le marché se concentrant, aujourd’hui, principalement autour de l’habitat individuel mais assez peu dans les logements collectifs. Quant au secteur tertiaire, les projets se situent essentiellement dans les très grosses opérations, de type centres commerciaux, qui intègrent la solution photovoltaïque dans leur bilan énergétique. L’autre élément qui concourt à la
reprise du photovoltaïque réside dans l’émergence de solutions européennes, avec des panneaux, bien entendu plus onéreux, mais annoncés comme plus pérennes. Le marché, fortement décrédibilisé, a en effet beaucoup souffert des productions antérieures à l’efficience très limitée… Dans l’habitat collectif, le photovoltaïque demeure néanmoins la première solution proposée, avec l’eau chaude solaire ou les ballons d’ECS thermodynamiques, lorsque des constructions, à l’architecture novatrice, suscitent des difficultés en matière de calcul. Il est d’ailleurs fort probable que les évolutions de la réglementation thermique ainsi que la généralisation du label E+C- accentueront et renforceront cette tendance. Les économistes peuvent avoir les compétences pour effectuer les calculs, à condition d’avoir un bureau d’études fluide intégré à leur structure. D’où l’intérêt de se former sur ce sujet, d’autant plus que l’arrivée de l’ACV (4) nécessitera de quantifier les matériaux mis en oeuvre, l’économiste ayant dès lors toute sa place dans ce futur schéma.» PASCAL DACHARRY, GÉRANT D’INGECOBAT.

 

Retrouvez l’article ainsi qu’un ZOOM spécial ENERGIE SPRONG: le Photovoltaïque en rénovation par Vilogia dans le numéro 182 d’ Economie & Construction.

E&C n°182Coût global et analyse cycle de vie du bâtiment :bienvenue au Congrès international des économistes de la construction