Covid-19 et reprises des chantiers : l’État souhaite être exemplaire et prône des négociations circonstanciées :
Une circulaire du premier Ministre du 9 juin 2020 définit la méthodologie de renégociation des marchés publics de l’État, pour permettre la prise en charge des surcoûts liés au ralentissement et à l’arrêt de l’activité des chantiers du fait des mesures prises pour lutter contre la propagation du virus COVID 19.
Au sein de ce texte, le gouvernement insiste sur la capacité d’analyse des situations par les acteurs.
Le Premier Ministre constate que la reprise des chantiers implique une définition collective de nouvelles modalités d’organisation, qui permette le respect des préconisations du guide établi par l’OPPBTP.
- En ce qui concerne la prise en charge des surcoûts directement induits par les interruptions :
Les principes proposés aux maîtres d’ouvrage, opérateurs étatiques, se présentent de la manière suivante :
- Utiliser en tant que de besoin, les dispositions offertes par l’ordonnance 2020-319 pour prolonger le délai contractuel d’exécution du chantier de manière à neutraliser la période d’interruption et renoncer à toute pénalité de retard.
- Faire chiffrer les coûts directs d’interruption des travaux (mise en sécurité du chantier, démobilisation des matériels, de gardiennage et de maintien en condition) ayant permis une reprise rapide du chantier, dès lors qu’elles sont raisonnables et justifiées.
- Une fois ces surcoûts chiffrés, un accord doit être matérialisé, par exemple par un avenant au contrat pour acter la répartition de la prise en charge des coûts (immobilisations du matériel, frais de personnels non déjà pris en charge en partie par l’État au titre du chômage partiel, frais généraux, marge, etc.).
- Une renonciation des contractants à toute indemnité pour les coûts d’études et de conduite d’opération en vue de la préparation à la reprise du chantier doit être stipulée.
La prise en charge est strictement limitée dans le temps. Elle ne s’étend pas au-delà de la date de reprise effective du chantier, dès lors que l’entreprise aura, avec les moyens dont elle dispose, fait ses meilleurs efforts en vue de cette reprise.
2. En ce qui concerne les surcoûts liés aux nouvelles modalités d’exécution du chantier
Les modalités d’exécution du chantier définies pour sa reprise sur la base des préconisations du guide de l’OPPBTP peuvent se traduire par :
- Des coûts directement liés aux mesures sanitaires pouvant déjà être chiffrés ;
- Des coûts liés à des pertes de rendement, voire à des surcoûts d’approvisionnement, plus difficiles à chiffrer et susceptibles d’évoluer dans le temps ;
- Et un impact sur le calendrier d’exécution du chantier.
a. Pour ce qui concerne les mesures sanitaires nécessaires à la sécurité du chantier et pouvant être chiffrés rapidement (modification des installations de chantier, acquisition d’équipements individuels de protection, nettoyages supplémentaires, modification des modalités d’acheminement…) la circulaire invite les maîtres d’ouvrage étatique à commander les cas échéant des travaux ou des prestations supplémentaires.
Les maîtres d’ouvrage publics peuvent également modifier les prestations en raison des circonstances imprévues. Un avenant sera nécessaire, lequel reposera sur le fondement de l’article 6.2 du CCAG Travaux de 2009 qui affirme que « en cas d’évolution de la législation sur la protection de la main-d’œuvre et des conditions de travail en cours d’exécution du marché, les modifications éventuelles demandées par le représentant du pouvoir adjudicateur, afin de se conformer aux règles nouvelles, donnent lieu à la signature, par les parties au marché, d’un avenant« .
Sont exclues de cette démarche toutes les augmentations de prix qui sont retracées dans les index utilisés pour la révision des prix tel que les coûts des matériels et matériaux, de l’énergie ou des transports.
b. La question des pertes de rendement est en revanche plus délicate dans la mesure où elles ne peuvent être objectivement chiffrées et sont susceptibles d’évoluer dans le temps et de diminuer indique la circulaire.
Afin de pouvoir ultérieurement traiter ce point, les maîtres d’ouvrage publics doivent être vigilants à ce que tous les intervenants sur le chantier consacrent leurs efforts à tracer et réduire progressivement ces surcoûts, sans porter atteinte à la sécurité sanitaire du chantier.
Lorsque les impacts de calendriers auront pu être établis ils pourront faire l’objet de négociations.
L’accord entre les parties sur les questions de modification du délai contractuel et sur la prise en charge ou la compensation d’une partie des surcoûts ci-dessus mentionnés pourra prendre la forme d’un avenant ou d’un protocole transactionnel. Dans cette dernière hypothèse, il conviendra de préciser que le titulaire renonce à toute indemnité supplémentaire en lien avec l’arrêt de chantier lié à la pandémie.
Si les conditions particulières du chantier amènent à identifier des surcoûts manifestement excessifs par rapport aux bénéfices escomptés d’une reprise rapide des travaux, les parties sont encouragées à examiner l’opportunité de différer les tâches ayant un impact le plus significatif ou le chantier lui-même.
Le maître d’ouvrage public peut également décider de résilier le marché en cours d’exécution. Il devra toutefois tenir compte des dispositions particulières introduites par l’ordonnance du 25 mars 2020 relative à l’assouplissement des règles de la commande publique face à l’épidémie de Covid-19.
3. Gestion des avances forfaitaires
En dehors des chantiers hors normes (supérieurs à 100 millions d’euros), les opérateurs étatiques sont appelés à accepter favorablement le versement d’avances forfaitaires majorées, avec des dispositifs garantissant et démontrant le ruissellement de ces avances, au prorata de leur participation au chantier, auprès de l’ensemble des sous-traitants, conformément à l’article R. 2193-19 du code de la commande publique.
4. Intégration du risque pandémique dans les futurs appels d’offres
La prise en compte de l’effet d’une nouvelle recrudescence de la pandémie ou d’une nouvelle pandémie dans les appels d’offres est une nécessité dans le double but de garantir l’égalité de traitement des candidats et la juste rémunération du titulaire garantissant la sécurité des intervenants.
La circulaire alerte les opérateurs sur les offres « hors marché ». Des entreprises pouvant se trouver dans une situation financière précaire malgré les mesures prises pour atténuer l’impact de la crise, sont susceptibles de pratiquer des prix qui ne refléteraient pas la réalité des coûts et pourraient mettre en danger la bonne réalisation du marché. Le régime de l’offre anormalement basse (C. commande publ., art. L. 2152-5 et R. 2152-3 à 5) devra donc être appliqué avec discernement en tenant compte des circonstances particulières liées à la présente crise et à ses conséquences.